« Un héros américain. L’histoire de Colin Kaepernick », sur Histoire TV : un genou à terre, mais toujours debout (2025)

HISTOIRETV – MERCREDI 1^ERMAI À 20H50– DOCUMENTAIRE

En2018, sa photo dominait Union Square, la grande place de San Francisco bordée de palmiers.Ungros plan de son visage sur le toitde l’immeuble de Nike.En noir et blanc, comme pour illustrerle dilemme identitaire deColin Kaepernick, né d’une mère blanche et d’un père noir, abandonné à la naissance, puis adopté par une famille du Minnesota.

Lefootballeur professionnel, vedettedesSan Francisco 49ers, étaitcette année-làau premier plan de l’actualité. Sa carrière était brisée. Il avait pris des positions trop politiquesau goût des patrons de la National Football League (NFL), et de Donald Trump, qui avait conseillé aux clubs de le «virer».

Les «patriotes» l’accusaient de «traîtrise», brûlaient son maillot rouge, et postaient leur exploitsur Twitter. Pour les jeunes, il était devenuuneicône de la cause antiraciste. «Croyez en quelque chose, invitait lefootballeursur l’affiche de Nike.Même si cela signifie tout sacrifier.»

Six ans ont passé. Le portrait aété décroché depuis longtempsd’Union Square.La causequedéfendait lequarterbackde 1,93mètreauxjambesd’une vélocité exceptionnelle est passée au second plan. Le débat est aujourd’hui dominé par l’agenda de conservateurs obsédés par la chasse au wokisme dans l’éducation, les entreprisesoule sport. Quatre ansaprès ledéferlement du mouvementBlack LivesMatter, le pays est en proie à un grandretour de bâtoncontrele droit à la différencerevendiqué par lesminorités.Une bataille chasse l’autre. Les Américains se déchirent maintenant surl’avortement.

«Nous sommes des cibles»

Le documentaire Un héros américain, réalisé par Annebeth Jacobsen, a le mérite de donner la mesure du chemin parcouru.Le film ramène aux images de violences policières visant des Noirs, disparues de la mémoire collective. L’insupportable suffocation d’Eric Garner, un père de six enfants, asthmatique, à Staten Island (New York) en juillet2014; le corps de Michael Brown laissé sur la chaussée à Ferguson (Missouri), quelques semaines plus tard… Après la mort d’Alton Sterling, le 5juillet2016 à Baton Rouge (Louisiane), puis celle de Philando Castile, le lendemain dans le Minnesota, Kaepernick s’indigne: «Nous sommes des cibles», écrit-il sur Twitter.

Le joueur lance un mouvement qui se propagera dans les stades et jusque dans les couloirs du Congrès. Un simple geste: le genou à terre. Il s’agenouille pendant l’hymne national joué en début de match, au lieu del’écouterdebout, la main sur le cœur. «Pour alimenter la prise de conscience sur les injustices», explique-t-il.Après 2017, ilne sera plus jamais recruté dans une équipede football.La NFL, qu’il accuse d’entente illégale pour l’exclure, préférera négocierun règlement financier.

A 36ans, Colin Kaepernickest maintenant militant à plein temps pour la justice sociale. Il a fondé une maison d’édition avec sa compagne, l’animatrice de radio-télé Nessa Diab, et une association, Know Your Rights Camp, pour apprendre aux jeunes de minorités à trouver leur place et à défendre leurs droits.

Avec Netflix, il a créé Colin in Black &White, une série qui s’inspire de ses années de lycée et de ses difficultés d’ado biracial sommé de dompter sa tignasse afro.Son genou à terre a disparu des stades. Il est maintenant à l’honneur dans les clips de campagne des candidats républicains qui l’utilisent pour dénoncer les dérives «gauchistes» de leurs adversaires.